Jean-Michel Gasquet : "Les Biseaux"

PROLONGATION

Exposition passéeDu 28 mai au 11 juillet 2010

Mais arrêtez-vous seulement, j’allais dire, tombez en arrêt sur tel ou tel biseau, vous comprenez que la guerre continue ; car si chaque œuvre est une victoire, la guerre n’est pas finie. Quelle guerre ? Celle du dessin (la ligne, l’angle, la figure) qui pense et calcule avec la couleur qui se couche et jouit. Une guerre où il ne faut pas de vainqueur et qui recommence sans cesse ni trêve, ne serait-ce que pour le bénéfice de la peinture. Et pour peu qu’on ne visite pas l’exposition comme on jette un œil sur un paysage, pour peu qu’on cherche à voir ce que voient ces œuvres, nous voici aussitôt enrôlés dans cette lutte que je comprends comme celle de la pensée avec elle-même, une pensée d’autant plus profonde qu’elle est formelle, qu’elle est sans mots, au-delà des mots, au-delà du mot à mot que fait toujours le cerveau quand il tente de parler pour traduire son être au monde. Ici la peinture pense en beauté, et par ses moyens propres.

Le peintre expose mais c’est pour mieux nous exposer à son œuvre. Prenez un des biseaux de la « série noire » : après l’émotion esthétique, c’est la commotion cérébrale. Ce qui était à l’instant ordre, équilibre, perfection, se met à bouger, trembler, danser ; et si ça danse, c’est que la peinture pense ; ce qu’on croyait construit (ah ! la peinture construite !), composition pure, se défait, se refait, la surface se creuse, apparaissent des espaces (je dirais des scénographies) aussitôt évanouies et démenties par la suite du travail de l’ « œil-cerveau ». Bref, le biseau est devenu un problème, et un problème sans solution ; vous ne vous y retrouvez plus, vous vous y perdez. Votre sensibilité, votre intelligence ne s’en sortent pas, pas mieux qu’avec la vie, la mort, l’amour (et je ne parle pas de Dieu), mais, prodige de l’art, cet échec est un plaisir. Faites maintenant l’expérience corollaire avec les biseaux colorés. Est-ce la grâce de la couleur, le côté matisséen ?- on se croirait tiré d’affaire, sorti du piège. Ces biseaux paraissent prodiguer le plaisir particulier des choses résolues, mais justement, lesquelles ? On jouit des solutions, mais dans le vertige de l’ignorance des questions posées. L’énigme est résolue, mais on ne sait pas laquelle !

On m’aura compris : ces biseaux sont tranchants. Je le dis sans biaiser, pour la clarté de l’exposition, c’est le cas de le dire..

J.F. Peyret Avril 2010

La galerie participe à la manifestation Nomades en collaboration avec la mairie du 3ème

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Jean-Michel Gasquet : "Les Biseaux". PROLONGATION