Auguste Herbin

Volutes

ActualitéDu 10 octobre au 21 décembre 2019

Une exposition consacrée à Herbin sur le thème des volutes ? Un paradoxe ! Auguste Herbin n’est-il pas l’un des peintres le plus représentatif de l’abstraction géométrique et ses tableaux seulement constitués de carrés, de rectangles, de triangles, de cercles et de demi-lunes, ses figures tracées à la règle et au compas, strictement ordonnées dans le plan à l’intérieur d’une grille horizontale-verticale ? En effet : il s’agit du Herbin de la grande période, celle où il domine après 1945 tout l’art européen avec la beauté de ses compositions et la force de ses idées.

Mais c’est ne voir qu’une partie seulement de son œuvre, immense, variée et qui a parcouru tout le XXe siècle jusqu’en 1960. Il y a le Herbin pointilliste, le Herbin fauve, le Herbin pionnier du cubisme, le Herbin un des premiers abstraits, le Herbin du retour à la figuration, le Herbin revenu à l’art abstrait, puis fondateur en 1931 avec Georges Vantongerloo de l’association abstraction création.

A-t-on suffisamment noté que ce dernier changement s’effectue à partir de 1925 par le biais de sujets tirés de la réalité, de plus en plus transposés et stylisés au point de n’être plus reconnaissables, comme le montre la composition Le petit bonhomme et l’âne, datée de 1926, où pourtant tous les éléments du point de départ demeurent présents : l’animal, son conducteur, le paysage, le sol et le ciel ? Il faut aussi noter que l’ensemble est traduit dans un seul langage : celui des courbes. Herbin ne va pas le quitter jusqu’en 1942, c’est-à-dire pendant une période de 17 années, riche de plus de 180 tableaux. C’est le sujet de cette nouvelle exposition à la galerie Lahumière.

À l’intérieur de cette longue séquence, on notera une évidente évolution et une grande variété de familles d’œuvres avec pour points communs le respect du plan dans la disposition des formes, des couleurs généralement vives et posées en aplat, la neutralité et la précision de l’exécution, qui continueront de caractériser ses œuvres par la suite. Les compositions sont complexes et parfois chargées, puis vont vers la simplification dans les années 1930, au fur et à mesure que les références à la réalité s’estompent et que l’artiste adopte un réel parti abstrait, comme le montre son tableau Composition à la ligne noire de1932 (collection particulière, Paris) duquel peuvent être rapprochées plusieurs aquarelles de 1936 figurant dans cette exposition. En même temps, Herbin reste longtemps attaché à la présentation classique du motif se détachant sur un fond qui va de pair avec la composition centripète, la Composition sur fond blanc de 1932 en étant ici un magnifique exemple. L’oeuvre est puissante avec ses courbes entrelacées contrastant avec une famille de cercles. C’est le mouvement qui est recherché, ainsi dans de nombreux tableaux où l’artiste fait directement allusion à la danse. Dans ce style, Herbin a ainsi composé les 3 décorations monumentales qu’il a exécutées en 1937 pour la salle de cinéma du Pavillon des chemins de fer à l’Exposition internationale des arts et des techniques à Paris.

Les courbes, les spirales, les enroulements, les méandres, les entrelacs, les volutes dans une infinie variété d’arrangements, autant de formes organiques, goutte, amibe, haricot, osselet, coquillage, nœud, qui s’enchaînent, se développent, engendrées les unes par les autres et qui rattachent l’art de Herbin à cette tendance particulière de l’abstraction non-géométrique appelée le biomorphisme. Ses principaux représentants dans les années 1920 et par la suite sont illustres : Arp, Kandinsky, Kupka dès ses débuts pour l’autre moitié de son œuvre, Miró, Calder, Moholy-Nagy, Domela, Erni, Béöthy, Vantongerloo, Schwitters ainsi que, à la marge de l’abstraction et au plus haut, Léger, Baumeister, Le Corbusier. Herbin est de ce monde, l’un des premiers, l’un des plus importants, l’un des plus originaux. Son tableau de 1930, Composition, ici dans l’exposition, c’est avec celui de Le Corbusier Étreinte III de 1938 (Genève, Musée d’art et d’histoire) qu’il trouve son équivalent. À la fin des années 1930, il intitule une de ses œuvres Réalité spirituelle, présente dans l’exposition. Toujours rigoureusement abstrait et poursuivant son évolution à partir de ses formes organiques et de tout ce qu’elles contiennent de germination, de transformation, de métamorphose, Herbin ajoute une nouvelle dimension à son art pour lui donner un contenu spirituel.

Serge Lemoine

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